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Maroc post éléction 2021 : Quelle rupture pour quel changement?

von Mehdi Rais

Elections 2021 Maroc

Avec un taux de participation avoisinant les 51 %, les électeurs marocains ont relevé le défi en décidant de changer la configuration politique du pays. Désormais, le Parti RNI domine la scène politique du Maroc à l’issu du vote tandis que le PJD se retrouve relégué à l’arrière du classement avec 13 siège seulement, un net recul après 10 ans de gestion gouvernementale.

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Elargissement de la protection sociale, croissance économique, justice sociale, inclusion des jeunes, etc. Autant de défis, énumérés dans le nouveau modèle de développement, sur lesquels les nouveaux élus sont amenés non seulement à se pencher mais avec une obligation de résultat. Lors de son dernier discours, S.M. le Roi Mohammed VI était très clair en précisant que les élections ne sont guère une fin en soi, mais plutôt un moyen démocratique qui permettra au Maroc d’atteindre ses objectifs et ambitions. En effet, les défis lancés par S.M. le Roi Mohammed VI porte les germes fondateurs du nouveau Maroc.

La stratégie du Maroc 2035, détaillée au sein du nouveau modèle de développement, ne laisse aucun présage au doute que le Royaume désire faire de ces élections, une rupture avec la gestion du passé pour s’ouvrir sur un champ plus large en termes de développement et du leadership régional et continental. D’où le caractère fondamental des élections du 8 septembre 2021 que certains n’ont pas hésité à les désigner comme « les élections de la dernière chance ». En d’autres termes, les élections 2021 devront contribuer au lancement du projet « nouveau Maroc » avec des modes de gouvernance et de gestion plus innovants et plus efficaces.

Avec un taux de participation avoisinant les 51 %, les électeurs marocains ont relevé le défi en décidant de changer la configuration politique du pays. Désormais, le Parti RNI domine la scène politique du Maroc à l’issu du vote tandis que le PJD se retrouve relégué à l’arrière du classement avec 13 siège seulement, un net recul après 10 ans de gestion gouvernementale.

Ce résultat, n’étant guère surprenant, ouvre la voie à un changement d’acteurs et avec eux l’orientation de la scène politique marocaine dans son ensemble. D’où la problématique suivante : « Dans quelle mesure la configuration politique actuelle assurera-t-elle le changement et les objectifs du Maroc 2035 ? En est-elle vraiment capable ? »

La réponse se trouve nuancée. Il s’agit d’analyser, dans une approche prospective, les enjeux de la création du nouveau gouvernement du Maroc (I) puis de relever le mode de gouvernance dans le cadre de la nouvelle carte politique marocaine (II).

 

I- Nouvelle carte politique au Maroc : tendances libérales :

 

La victoire du Parti RNI avec un écart très restreint ne permet nullement de dégager une majorité gouvernementale immédiate. Le jeu politique des coalitions devrait donc logiquement être lancé afin d’aboutir à une majorité politique stable, compétente et convaincante. En fonction des résultats, deux analyses prospectives peuvent être relevées :

 

A- La fin de l’ère de l’Islamisme politique au Maroc

 

Sans surprise, le PJD a succombé à ses lacunes pendant ses 10 ans du pouvoir. Les citoyens ont sanctionné le parti islamiste en le reléguant derrière avec 13 sièges seulement alors qu’il était le dominateur de la vie politique du Royaume avec 158 sièges lors de l’exercice précédent. Certains de ses leaders emblématiques dont M. El Othmani n’ont pas réussi à briguer un nouveau mandat parlementaire. Ce qui traduit la fin de l’islamisme politique au Maroc.

En effet, les citoyens marocains sont conscients du chemin stratégique entamé par le pays, sous les instructions de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, qui se caractérise par un nouveau modèle de développement mais aussi par son positionnement international qui n’accepte plus l’Islamisme politique comme alternative crédible et efficace pour la réalisation du développement et la paix sociale. En fait, le PJD n’arrivait plus à assurer l’homogénéité de son équipe gouvernementale, il ne pouvait plus assurer la réalisation des réformes structurelles, les décisions gouvernementales de plus en plus contestées appelant parfois une intervention royale pour corriger le tir, alors que le chef du gouvernement devrait assumer éthiquement et politiquement le poids de l’exécutif. A cause de son incompétence administrative et politique, le PJD a perdu les élections et par elles, leur mainmise sur les institutions étatiques.

Au niveau international, le Maroc démontre une nouvelle voie la réussite de son modèle démocratique et son exceptionnalité dans la région. Déjà en 2011, la démocratie marocaine exercée par les urnes, a ouvert la voie du pouvoir à l’Islamisme politique dans un contexte marqué par le printemps arabe et l’effondrement de plusieurs pays arabes, aujourd’hui, le Maroc a marqué encore une fois les esprits en écartant l’islamisme politique par le biais des urnes de manière purement démocratique sans aucun recours à la force ou au coup d’État institutionnel, comme ce fut le cas dans plusieurs pays arabes, la Tunisie en l’occurrence.

Ainsi, cette catastrophe électorale du PJD marque la fin d’une étape importante de l’histoire politique du Maroc caractérisée par un islamisme politique défaillant pour ouvrir un nouveau chapitre politique, plus libéral cette fois. Quant au PJD, il devra se contenter du rôle du figurant au sein même de l’opposition (13 sièges, un score très médiocre) en attendant de se restructurer autour d’un nouveau projet national ou international.

Aujourd’hui, le Maroc a choisi le courant libéral pour concrétiser les chantiers de développement (Maroc 2035), le pays dispose d’une opportunité inédite de former une coalition gouvernementale crédible, homogène et solide autour du RNI, vainqueur des élections 2021.

 

B- Le renforcement du courant libéral au Maroc :

 

Les résultats des élections marocaines 2021 ont confirmé la tendance politique libérale de la société marocaine. La victoire du RNI, suivi du PAM (écart très réduit), tous deux se réclamant libéraux, ouvre le chemin pour une gouvernance politique plutôt libérale avec une probable alliance RNI+PAM aux cotés des partis libéraux centristes MP et l’UC lors de la formation du prochain gouvernement au Maroc.

Etant donné les frictions existantes entre le RNI et le PJD (membre du gouvernement sortant), le recul des islamistes dans le monde arabe ainsi que l’orientation diplomatique du Maroc (reprise des relations avec Israël...), il demeure très probable que les leaders du RNI choisissent la rupture en écartant le PJD de la coalition gouvernementale pour se focaliser sur une équipe formée des partis libéraux, en laissant les partis conservateurs (PI+PJD) siéger dans l’opposition aux côtés des partis de Gauche.

Cette structure permettra de créer une équipe gouvernemental solide et idéologiquement homogène. Il s’agit d’un paradigme politique fondamental qui aidera certainement les alliés à coordonner un programme politique solide, susceptible d’atteindre les aspirations du peuple marocain tout en construisant des institutions fortes comme souhaité par Sa Majesté le Roi Mohammed VI et les Citoyens.

Ainsi, il demeure primordial pour le prochain chef du gouvernement et son parti RNI de mettre en place une équipe gouvernementale capable d’assurer ses engagements face aux enjeux et défis que suppose la stratégie Maroc 2035. En ce faisant, une nouvelle carte politique verra le jour, certes sans pour autant garantir le changement tant attendu surtout avec le maintien du mode de gouvernance politique traditionnel.

 

II-Nouvelle carte politique au Maroc : les auspices d’une gestion traditionnelle :

 

La vie politique marocaine issue des élections du 8 septembre 2021 a abouti à la victoire des partis politiques « traditionnels » connu par leur attachement au système conservateur que la Constitution 2011 a voulu dépasser. Les partis vainqueurs présentent le même schéma directeur avec parfois les mêmes responsables ayant siégé dans l’exécutif les années précédentes. On pourra aussi ajouter l’absence de la jeunesse marocaine dans les têtes de listes et l’absentéisme politique, ce qui engendre, en conséquence, la continuité de la pratique précédente voire l’inexistence d’une approche dynamique et d’un nouveau souffle nécessaire pour conduire un changement ou une rupture. Ainsi, il est important de relever, à travers une lecture prospective, que la pratique politique au Royaume serait caractérisée par une triple approche :

 

A- Un parlement législateur et non initiateur :

 

La montée en puissance des partis politiques à forte encrage parlementaire et gouvernemental suite aux élections du 8 septembre 2021 constitue une opportunité pour bouleverser la pratique parlementaire actuelle. Sa Majesté le Roi Mohammed VI n’a pas manqué de préciser lors de ses différents discours dont le dernier en date du 20 Août 2021, que les élections devraient donner naissance à un nouveau mode de fonctionnent institutionnel. Le Parlement (deux chambres) ne déroge pas à la règle.

Pourtant, la pratique parlementaire demeure purement législative (vote des projets de lois, questions écrites et orales…), les députés n’arrivent pas à mettre en place une nouvelle approche parlementaire dans laquelle le Député/Conseiller se transforme en acteur politique et social majeur. Ce dernier devra participer à l’élaboration des lois (proposition des lois), participer à la dynamique stratégique (des études, débats…), s’ouvrir sur le terrain et contribuer à la gestion politique dans son ensemble au service du Citoyen et du développement de l’État.

 

B- Un chef du gouvernement gestionnaire et non visionnaire :

 

Si la Constitution marocaine de 2011 a accordé au chef du Gouvernement des compétences plus élargis et plus développées, lui permettant d’apporter des initiatives et de tisser des stratégies de développement du Maroc durant son mandat, force est de constater que pendant deux expériences précédentes, les deux chefs du gouvernement du PJD n’ont pas pu dépasser le rôle d’un premier ministre. En effet, ces derniers se sont inscrits dans une approche de gestion et d’exécution des instructions apportées par Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Dès lors, des projets structurels comme la protection sociale, la justice sociale, le nouveau modèle de développement relève de la stratégie venant directement du Palais royal dont l’exécutif demeure chargé de concrétiser.

Il en va, alors, que les résultats des élections du 8 septembre ont permis de changer les acteurs politiques, qui ont été votés pour mettre en place un programme politique dont les contours ont été déjà élaborés quelques mois auparavant par Sa Majesté le Roi. Ce qui signifie que l’impact du nouveau chef du gouvernement ne sera pas aussi important comme le veut la Constitution marocaine. Celui-ci aura la marge de manœuvre de diriger une équipe gouvernementale dont l’objectif principal étant la mise en œuvre des stratégies de développement crées avant leur victoire politique.

 

C- Des Collectivités territoriales passives en quête du rôle d’acteur :

 

La Constitution marocaine a donné aux Collectivités territoriales une importance capitale dans la gouvernance territoriale du pays. Ces dernières constituent, du point de vue politique et administratif, la liaison primaire de l’Etat et ses citoyens. La Régions, Communes, Provinces et Préfectures sont chargées de la gestion au niveau local. Le recul du PJD est dû en grande partie à l’incapacité de leurs élus locaux à atteindre le niveau de la décentralisation souhaitée ni assumer leur responsabilité vis-à-vis du citoyen.

Les élections du 8 septembre 2021 devrait permettre de créer une nouvelle opportunité pour de nouveaux acteurs d’apprendre des erreurs de la pratique précédente et bâtir un système de gouvernance territoriale conforme aux aspirations du Maroc et son nouveau modèle de développement.

Cependant, lors de la campagne électorale, aucune mention au renforcement de la décentralisation, la prise d’initiative des élus, développement de la gouvernance locale n’a été détectée. Par conséquent, il serait difficile de créer une rupture et un changement, ce qui conduit, logiquement, à dire que les nouveaux élus n’ont pas assimilés l’enjeu du renforcement de la régionalisation et la décentralisation tel qu’indiqué à maintes reprises par Sa majesté le Roi Mohammed VI et repris par le nouveau modèle de développement.

Ainsi, il apparaît que si changement y a -t-il, il se fera principalement au niveau de la composition gouvernementale en écartant le PJD du pouvoir, le mode de gouvernance demeurera similaire. Néanmoins, il reste que la faiblesse du PJD et son recul est dû en grande partie à son incapacité à accompagner la stratégie royale de développement par des initiatives concrètes et crédibles.

En somme, le défi de la nouvelle équipe gouvernementale serait, sans doute, de sortir de la continuité et d’assurer le parallélisme entre la vision stratégique du Roi et la réalité sur le terrain. Des résultats concrets et une bonne démarche de gouvernance permettra au Maroc d’atteindre ses objectifs de développement et aux politiques de retrouver la confiance citoyenne surtout chez les jeunes. Reste à savoir si les nouveaux élus auront la capacité de relever ce défi.

 

Le contenu de cet article relève de la responsabilité de l'auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue de la Konrad-Adenauer-Stiftung.

 

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