Des échelles de gouvernance locale et de leur articulation en Tunisie - Bureau de la Fondation en Tunisie
Séminaire
Détails
Au lendemain de l’indépendance de la Tunisie, toute l’attention a été accordée au développement économique et social et à la correction des grands déséquilibres régionaux hérités de la période coloniale. La Tunisie a fait le choix d’une organisation administrative et politique très centralisée et une division administrative en plusieurs gouvernerats. L’État devrait être partout présent, ce qui a permis d’unifier le pays et de rapprocher l’administration du citoyen. Pendant des décennies les pratiques ont amplifié le caractère centralisé du système politico-administratif, avec des orientations pour la déconcentration au dépend de la décentralisation. En effet, la déconcentration a été adoptée comme un moyen essentiel de gouvernement. Se caractérisant par le transfert de certaines attributions administratives du pouvoir central au plan local au bénéfice d’agents de l’État, la déconcentration ne devrait pas déboucher, évidemment, sur une quelconque autonomie des autorités déconcentrées (en l’occurrence les gouverneurs, les délégués, les directeurs régionaux, etc.), puisque celles-ci, n’ayant pas de personnalité juridique propre, restent rattachées à l’autorité centrale, prennent leurs décisions en son nom, dans le cadre d’une relation hiérarchique stricte qui les soumet à un contrôle a priori et a pos-teriori sévère.
Le législateur n’a pas omis, par ailleurs, d’inscrire dans ses préoccupations le principe de décentralisation. En effet, la constitution de 1959 disposait que les conseils municipaux (élus) et les conseils régionaux (nommés et contrôlés par les gouverneurs) gèrent les affaires locales dans les conditions prévues par la loi (art. 71). En fait, en l’absence dans la constitution d’une règle de fonctionnement des collectivités locales, une certaine conception de la décentralisation de teneur purement administrative et gestionnaire a fini par s’imposer et celle-ci s’est avérée incapable de réaliser un partage du pouvoir entre l’État et les collectivités locales et encore moins de consacrer les valeurs de la démocratie locale.
Avec la constitution de 2014, la décentralisation est adoptée, sans équivoque, comme transfert de pouvoir de l’État central vers le plan local au bénéfice d’agents élus d’une manière démocratique (chapitre 7) et dont la gestion est contrôlée à posteriori par l’administration.
Cette même constitution opère une densification des structures décentralisées puisqu’elle créé un troisième niveau de collectivité locale (le district) et met en place un conseil supérieur des collectivités locales. Enfin, elle annonce que les compétences des collectivités locales sont de trois catégories : certaines sont propres à elles, d’autres sont exercées conjointement avec l’autorité centrale et enfin d’autres leur sont transférées par l’État ; ces deux derniers types de compétences étant répartis suivant le principe de subsidiarité qui conduit l’État à donner certains de ses pouvoirs aux collectivités territoriales lorsqu’il considère qu’elles sont mieux à même de les assumer, compte tenu de leur proximité aux citoyens, c’est à dire que toute action publique incombe à l’autorité la plus proche des citoyens (en l’occurrence les municipalités), le niveau le plus élevé n’intervenant que si la tâche dépasse les capacités du niveau inférieur.
Une articulation correcte entre ces différentes échelles de la gouvernance locale reste la meilleure parade contre les chevauchements, les conflits de compétences, voire les blocages. Pour cela, le code des collectivités locales se doit d’être suffisamment clair et prévoyant. Un mini-mum de ressources financières et humaines immédiatement disponibles est également requis; sans oublier, évidemment, l’essentiel, à savoir l’engagement citoyen.