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Présentations & compte-rendus

Chez les fils du Caméléon. Voyage au pays Bassari avec Gérémy, Paulin, Nestor et Serge

de Dr. Ute Gierczynski-Bocandé

Un film de Dijana Sulic

« Voyage chez les fils du Caméléon » donne une image vivante de cet important aspect de la culture Bassari et pose en même temps la question à savoir : Comment va continuer cette culture fascinante, étant donné que de plus en plus de Bassari émigrent sous d’autres cieux et ne transmettent plus les valeurs traditionnelles, voire la langue?

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Les rites d’initiation des Bassari au Sud-est du Sénégal sont légendaires et ont été décrits par plusieurs ethnologues et an-thropologues. Ils sont cependant mal connus au Sénégal même, et le film de Dijana Sulic ambitionne de les rendre accessibles au grand public. La réalisatrice a été au pays Bassari où elle a filmé les célébrations de l’initiation à Egath, en mai 2011. Le film est commenté par des étudiants, prêtres et acteurs du développe-ment Bassari. « Voyage chez les fils du Caméléon » donne une image vivante de cet important aspect de la culture Bassari et pose en même temps la question à sa-voir : Comment va continuer cette culture fascinante, étant donné que de plus en plus de Bassari émigrent sous d’autres cieux et ne transmettent plus les valeurs traditionnelles, voire la langue. Comment sauvegarder l’identité culturelle et la con-sidérer comme un élément indispensable au développement ?

Un cinéclub hors du commun

Le cinéclub a une longue tradition dans la vie de la FKA Dakar: tous les derniers jeudi du mois, la FKA invite les cinéphiles à regarder un film et à en débattre par la suite. Le 28. Juin, tout fut différent. En effet, le film fut présenté, suivi de débats vifs et intenses, et puis il fut montré une nouvelle fois ! Et ce malgré la demi-finale de la coupe d’Europe qui fut transmise au même moment ! Au lieu des 60 à 100 spectateurs habituels, des habitués du cinéclub, on a enregistré la présence d’environ 150 participants. La salle était devenue trop petite et beaucoup ont attendu la deuxième présentation dans la soirée dans le jardin.

Qu’est-ce qui a causé cette affluence ? L’attrait de l’exceptionnel, de l’inconnu? En effet, il s’agissait d’une première, d’un nouveau film d’une nouvelle réalisatrice et de nouveaux acteurs. Le film a sûrement aussi attiré les participants, parce que Dijana Sulic a focalisé son film sur une problématique souvent discutée dans le cadre des manifestations de la FKA : La conservation des valeurs et cultures traditionnelles, non en tant que réminiscence « folklorique », mais comme élément indispensable de la dynamique du développement.

L’initiation chez les fils du caméléon

Le film retrace un voyage au coeur du pays Bassari que la réalisatrice Dijana Sulic a entrepris avec quatre étudiants Bassari, tous membres actifs de l’Association nationale des élèves et étudiants Bassari (ANEEB) : Gérémy Kaly Bianquinch, Nestor Bianquinch, Paulin Boubane et Serge Bianquinch, qui commentent tous les évènements et le déroulement des rites et des célébrations de l’initiation.

Le point de départ du voyage es Dakar, où Paulin raconte le mythe du caméléon, l’animal totem des Bassari qui se concoivent comme des fils et des filles du caméléon. Ensuite, les voyageurs arrivent à Egath, où ils participent intégralement aux préparatifs et aux célébrations de l’initiation du jeune James. Il sera tressé, comme tous les jeunes Bassari qui seront initiés, son père Bruno fabrique du hydromiel et d’autres boissons traditionelles et rituelles, et ma-mam Coumba se préoccupe du bien-être des nombreux invités. La place du village est remplie d’une vie joyeuse, de groupes de parents, de visiteurs venus de près et de loin pour assister à cet évènement exceptionnel. Après le rituel du sacrifice des chèvres commence la danse des jeunes hommes initiés, bientôt les jeunes à initier feront partie de leur danse. Actuellement, ils sont encore timides et presque anxieux dans l’attente des choses à venir.

Le lendemain, dimanche, tôt, tout le monde se retrouve à la place du village. Un poulet est sacrifié pour chaque initié, ensuite les jeunes se regroupent, et déjà on entend les cris et les chants des masques qui arrivent de la forêt, en une longue file – les masques en cercles tressés de raphia, enduits d’argile rouge, un défilé fascinant, mythique. La réalisatrice a réussi à capter la magie du moment qui transcende l’instant pour devenir symbole de la continuité d’une culture très ancienne et d’une richesse insoupçonnée…

Chaque candidat à l’initiation devra lutter avec deux masques, mais en huis clos, car seuls les hommes déjà initiés ont le droit d’assister aux combats en dehors du village. Chaque garçon doit successivement lutter avec deux masques, passage obligé pour devenir un homme. Cependant, c’est seulement le début de l’initiation, car ensuite, les jeunes garçons, après avoir dansé avec les masques, iront au bois sacré pour subir une formation qui fera d’eux des hommes accomplis. La période au bois sacré dure quelques jours, par contre, autrefois, les initiés y restaient plusieurs mois.

Le retour des initiés de la forêt sacrée est également un moment émouvant, dans le film comme en réalité, les jeunes retournent dans leur familles, mais ils ne sont plus les mêmes. L’initiation, le séjour au bois sacré ont fait d’eux de nouveaux hommes, et ceci est un point commun des Bassari avec les peuples qui pratiquent les rites de passage.

L’identité culturelle en danger?

Les étudiants Gérémy, Paulin, Serge et Nestor commentent le déroulement du film et se souviennent de leur initiation – elle a été et est un viatique pour eux.

Mais également les prêtres catholiques Abbé Théophile Bonang et Abbé Jean-Paul 1er Bindia font des réflexions sur les rites d’initiation et la cohabitation entre les religions chrétienne et traditionnelle. Les Bassari ont connu le christianisme au siècle dernier et beaucoup ont gardé les rites traditionelles, ce qui ne nuit pas forcément à la religion catholique. En fait, l’inculturation des éléments culturels traditionnels dans la liturgie chrétienne, par exemple le chant choral, facilite plutôt l’accès des fidèles au catholicisme.

Le président de l’Association pour le développement du Pays Bassari au Sénégal, Pierre Gnanga Boubane, a manifesté sa confiance concernant la problématique de la pauvreté de ce département du Sénégal. Avec les membres de son association et de l’ANEEB, il s’emploie à travers plusieurs initiatives pour faire progresser le développement du pays bassari. Cependant, Boubane constate le problème de l’émigration des Bassari vers d’autres cieux, ou plutôt vers d’autres régions du pays, vers les grands centres urbains. Ce sont des têtes et des bras « perdus » pour le développement du pays Bassari, et en plus, ils courent le risque de perdre les repères culturels de leur région. Ils s’assimilent aux citadins « lambda » et souvent, les jeunes ne par-lent même plus leur langue. A la longue, cela peut amener la perte de l’identité culturelle et de la fierté de son appartenance culturelle - certains essaient même de ne pas apparaître comme « Bassari ».

L’ADPBS et l’ANEEB ont donc ce but en commun : lutter contre la perte des valeurs traditionnelles et pour la valorisation de l’identité culturelle Bassari. Ils expriment leur espoir que le film pourra jouer sa partition dans cette optique. Car seulement une personne ancrée dans sa culture et ses valeurs traditionnelles a les ressources physiques et psychologiques de participer de manière active et créative au développe-ment.

Le film se termine sur une note un peu sceptique : Gérémy se pose la question si la culture Bassari n’est pas vouée à la disparition, d’ici 50 ans, s’il n’y a pas un changement de mentalités. En effet, la globalisation et le nivellement des valeurs, idées et styles de vie sont un danger pour la conservation et le développement de valeurs et cultures traditionnelles.

Cependant, l’espoir est permis. Deux jours après la première du « Voyage chez les fils du Caméléon », l’UNESCO a déclaré le pays Bassari patrimoine mondial de l’humanité. Dijana Sulic est optimiste et espère que le film contribuera à une conscientisation sur la problèmatique. M. Diaz, le directeur de la cinématographie représentant le ministre de la culture, a proposé de montrer le film dans tous les centres culturels du pays et pourquoi pas ? à la télévision nationale. Bref, les perspectives sont prometteuses.

La FKA Dakar a été une nouvelle fois, et cette fois-ci de manière exceptionnelle, la plateforme d’un dialogue culturel porteur, car il contribue à une mobilisation d’énergies et de synergies d’idées, d’initiatives et d’actions.

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Événement
28 juin 2012
Dakar FKA
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Arrivée des masques 2 kasdakar

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