La Fondation Konrad Adenauer Maroc-Mauritanie, le Centre d’études et de recherches sur la culture et le droit hébraïques au Maroc et la Maison Maroc pour la paix, ont organisé un colloque international autour du thème “La construction d’une nouvelle vision de la paix. Une approche prospective globale.” Cet événement, tenu dans un esprit de dialogue et de réflexion critique, a rassemblé des universitaires, experts et représentants institutionnels afin d’examiner les fondements d’une paix durable à la lumière du contexte marocain.
La session inaugurale a été ouverte par Steven Höfner, Représentant résidant de la Fondation Konrad-Adenauer, qui a affirmé que la paix ne saurait être l’apanage exclusif des décideurs politiques. Il a insisté sur la nécessité d’une implication transversale, mobilisant les sphères sociales, intellectuelles et culturelles dans un effort collectif pour consolider un vivre-ensemble inclusif.
Dans la première intervention, Éric Dugas, professeur et directeur du département de recherche en sciences humaines et sociales, chargé de mission handicap à l’université de Bordeaux, a souligné la nécessité d’une reconfiguration des paradigmes dominants en matière de paix. Opposant la logique compétitive du jeu à somme nulle à une approche coopérative à somme positive, il a plaidé pour une inclusion systémique fondée sur une empathie élargie. Selon lui, cette transformation passe par une reconnaissance active des altérités et une architecture sociale capable de dépasser les interactions fragmentées.
Abdellah Ouzitane, président fondateur du centre des études et de recherches sur le droit hébraïque, a pour sa part exploré les dimensions spirituelles et diplomatiques de la paix en évoquant le rôle historique du Maroc dans la diffusion d’un islam du juste milieu, appuyé par la légitimité malikite et l’héritage soufi. Il a mis en lumière les formations d’imams à Rabat comme instruments d’une diplomatie religieuse proactive et a salué l’initiative royale pour le Sahel Atlantique comme prolongement contemporain d’une ambition africaine de stabilité et d’intégration. Il a rappelé que la paix, pour devenir réelle, exige non seulement du temps, mais aussi de l’imagination collective et un engagement politique constant.
L’artiste et chanteur Hicham Dinar a, de son côté, présenté le rôle des zaouïas comme espaces de cohésion et de coexistence interconfessionnelle. Il a particulièrement mis en avant la Zaouia d’Essaouira comme un laboratoire vivant du vivre-ensemble, illustrant la possibilité d’une harmonie fondée sur la compassion et la spiritualité. Il a plaidé pour une réintégration de ces modèles dans le débat public comme réponse culturelle à la montée des intolérances.
Mohammed El Abassi, ingénieur et membre fondateur du CRDHM, a clôturé la série d’interventions en questionnant les cadres classiques de la sécurité. Il a opposé la logique de forteresse, rigide mais rassurante, à celle de réseau, ouverte mais vulnérable. Il a proposé une troisième voie fondée sur l’éducation et la résilience morale, soulignant les risques d’une obsession sécuritaire déconnectée des valeurs humaines fondamentales.
La rencontre s’est achevée sur un constat partagé : la paix ne peut être durable sans inclusion. Elle exige une vision systémique, une diplomatie enracinée dans l’histoire et une approche centrée sur l’empathie. À cet égard, le modèle marocain, fort de son héritage spirituel et institutionnel, apparaît comme une source d’inspiration dans un monde traversé par des tensions multiples, qu’elles soient géopolitiques, numériques ou culturelles.