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Réformes constitutionnelles en Afrique: cas du Bénin

Inquiétudes et réserves suscitées par le "rapport final" de la commission Ahanhanzo

Le restaurant "le Sorrento" de Cotonou a servi de cadre pour le dîner débat organisé par la Fondation Konrad Adenauer sur la réforme constitutionnelle au Bénin. Deux conférenciers de renom, Me Joseph Djogbénou et le politologue Mathias Hounkpè ont présenté leurs communications pour le moins critiques sur le "rapport final" de la "commission des juristes indépendants". Plusieurs inquiétudes et réserves ont été soulevées par les autres participants au rang desquels Mme Idohou, Me Vlavonou, Messieurs Badet et Lalèyè, Abbé Quenum ainsi qu'une délégation du siège de la Fondation.

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Dans le cadre de l'exécution de son programme "Dialogue Politique en Afrique de l'Ouest" la Fondation Konrad Adenauer a organisé un dîner débat sur l'épineuse question de la révision de la constitution du 11 décembre 1990 au restaurant "le Sorrento" à Cotonou. C'était ce mercredi 11 mars 2009. Invité à planter le décor, Me Joseph Djogbenou a articulé son intervention autour de trois axes principaux: la forme en général (mode de désignation des membres, composition, procédure suivie par la commission...) la description du fond du projet et son analyse. Mais on saurait aborder tout ceci sans présenter l'Etat des lieux. Ainsi, dans un premier temps, il a rappelé à l'assemblée que la constitution actuelle était bientôt vielle de 20 ans, et qu'en presque deux décennies, elle a constitué le socle de l'organisation de plusieurs élections, quatre présidentielles, cinq législatives, deux communales... , sans oublier plusieurs mandatures au niveau des institutions. Ces longues années de pratiques constitutionnelles ont tôt fait de révéler certaines insuffisances de la loi fondamentale tel que ce fut le cas lors des présidentielles de 2001 (la série de désistements entre les deux tours) et de 2006 (le deuxième tour non précédé d'une période de campagne)

Sur la forme il a déplorée les conditions générales très peu transparentes dans lesquelles la commission a poursuivi ses travaux, conditions que le deuxième conférencier, le politologue Mathias Hounkpè a qualifié d'opaques, la commission ayant travaillé comme "une commission privée" du Chef de l'Etat" et sans lettre de mission. Celui-ci demande un travail à la commission, qui l'a fait et lui en a rendu compte. Le Chef de l'Etat demande que certaines modifications soient apportées, ce qui fut, et c'est la version issue de ces réaménagements qui a été présentée au peuple. Il a cité en exemple la "commission Balladur" en France qui a publié toutes les auditions qu'elle a effectuées. Dans le cas de la commission Ahanhanzo, on ne sait pas toujours qui est auditionné et surtout quelles sont les contributions de chacun. Le politologue poursuit en attirant l'attention du public sur le fait que les propositions des "juristes indépendants" n'ont pas été motivées. Au Mali a-t-il affirmé le rapport de la commission Diawara qui est intervenue dans la même dynamique a comblé cette insuffisance.

Sur le fond, Me Djogbénou s'est réjoui de l'extension des droits de l'Homme dont bénéficieront les Béninois, si le texte venait à être voté en l'état. A ce titre, il a énuméré la limitation de la détention préventive, l'abolition de la peine de mort, qui sont entre autres mesures proposées. Mais ces quelques avancées en matières de droits humains ne sauraient occulter l'une des caractéristiques essentielles du rapport à savoir la révision à la baisse des prérogatives du législatif et du judiciaire au bénéfice de l'exécutif et de la cour constitutionnelle.

Analysant ces mesures dans le fond, il a fait remarquer qu'en l'état actuel des dispositions fondamentales du Bénin, nous sommes déjà dans un régime présidentiel fort. Nous risquons de nous retrouver dans un régime "impérial" si l'exécutif venait à recevoir plus de pouvoirs au détriment du législatif et du judiciaire. Ce déséquilibre profond des pouvoirs n'est pas au service de la démocratie. Tout en reconnaissant que les deux pouvoirs lésés (législatif et judiciaires) ont quelque peu déçu plus d'un dans l'exécution de leurs missions, il martèle que ce n'est pas parce qu'ils ont eu et manifesté des difficultés qu'il faut les déposséder de leurs droits et devoirs. Comme pour apporter de l'eau à son moulin, M Hounkpè estime que la commission aurait pu faire oeuvre utile en proposant des espaces de dialogue, des mécanismes de collaboration entre les institutions. Sont donc préjudiciables à notre démocratie, les nouvelles propositions au titre desquelles, la cour constitutionnelle peut être amenée à ratifier des accords si le législateur ne le faisait pas. D'autres incohérences et contradictions ont été soulevées par les conférenciers et les intervenants tels que l'article 3 du texte proposé qui pourrait permettre à tout citoyen de se pouvoir devant la cour constitutionnelle contre les lois, textes, décisions de justice présumés contraires à la constitution, alors que plus loin le même rapport réaffirme que la cour suprême est la plus haute instance en matière judiciaire.

Toujours dans le fond, la commission propose un nombre pléthorique d'institutions sans esquisser une évaluation du coût de leur fonctionnement. A cette critique, messieurs Lalèyè et Hounkpè objectent que c'est la qualité de ces nouveaux organes qui devraient plutôt préoccuper. Une petite incursion a été ainsi faite dans le débat du bien fondé du médiateur de la République, que beaucoup ne conçoivent pas comme un impératif.

Si notre constitution actuelle compte 160 articles, la nouvelle proposée par la commission Ahanhanzo en compte 173 dont 83 nouveaux ou modifiés. L'ampleur de cette réforme constitutionnelle a amené l'Abbé Quenum à demander aux conférenciers s'il s'agissait de la modification d'une constitution déjà existante ou de la rédaction d'une nouvelle constitution ?. D'autres intervenants comme le juriste consultant Giles Badet ont quant à eux exprimé leur déception pour n'avoir pas vu leurs attentes satisfaites. En effet, "on ne comprend pas" s'est-il interrogé, malgré toutes les difficultés qu'a la cour constitutionnelle a accomplir ses nobles missions notamment dans les délais, que les membres de cette commission n'aient pas prévu un mécanisme pour renforcer ses capacités d'actions, et ont tout simplement opté de surcharger une institution qui visiblement ne manque pas de matière sans même songer à des mesures d'accompagnement. Pour le Professeur Joel Aïvo, Directeur de cabinet de Me Adrien Houngbédji, le travail a purement été bâclé. Pour corriger le tir, Me Vlavonou propose la mise en place d'une contre commission qui sera chargée de relever les limites du "rapport final" de la commission Ahanhanzo. Intervenant au titre du CAO, Urbain Amégbédji suggère quant à lui une modification au cas par cas, c'est à dire article par article.

Pour ce qui est de l'opportunité de la réforme constitutionnelle, la plupart des participants ont estimé, contrairement à l'opinion émise par Me Djogbenou qu'il urge d'y aller maintenant, Mme Léontine Idohou du RIFONGA va renchérir en mettant l'accent sur l'incompatibilité des dispositions constitutionnelles actuelles avec celles de l'OHADA (Organisation pour l'Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique). Celles-ci exigent de chaque Etat membre d'avoir un organe pouvant faire office d'une cour des comptes indépendante.

Les débats très riches, ont pris fin sur une note de souhait émise par les invités qui ont exprimé leur désir de voir la Fondation communiquer davantage sur ce projet de réforme constitutionnelle, voeu que le Représentant Résident a promis prendre en compte dans les limites de ses moyens.

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