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Country Reports

La fin de la « Françafrique »?

Une reaction africaine sur les élections présidentielles françaises

Le 7 mai 2017 Emmanuel Macron a battu avec 65,5 pourcent des suffrages exprimés la candidate du « Front National » Marine Le Pen (34,2 pourcent) lors du se-conde tour des élections présidentielles. Cet article vise à analyser comment le Sé-négal partenaire le plus proche de la France en Afrique accueille ses résultats et qu’elles sont ses attentes par rapport à la politique africaine.

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Une histoire belle, rebelle et cruelle

« L’histoire que nous avons en commun, elle est belle, elle est rebelle et elle est cruelle. » Le Président sortant, François Hollande, décrivait le 12 octobre 2012 avec ses mots clairs la relation franco-sénégalaise de plus de 300 ans Cette citation est prise de son discours à l’Assemblée nationale sénégalaise lors de sa première visite sur le continent africain depuis son élection en mai de la même année. François Hollande soulignait aussi dans son discours en présence des 150 députés sénégalais en 2012 que l’époque de la « Françafrique » était terminée et il mettrait désormais la France et l'Afrique sur un même pied d'égalité en affirmant une collaboration fondé sur le respect mutuel, la clarté et la solidarité.

Sénégal, Premier Pays africain visité par Sarkozy et Hollande après leur investiture.

Lors de sa visite au Sénégal, François Hollande a essayé de normaliser diplomatiquement la relation entre la France et le Sénégal, à la suite de la polémique que suscita Nicolas Sarkozy lors de son discours en 2007 à Dakar, lorsqu’il dit : « le drame de l’Afrique, c’est que l’Homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire ». Sarkozy, (Président de 2007 à 2011), avait lui aussi choisi le Sénégal pour sa première tournée africaine, Hollande avait souligné durant son séjour au Sénégal que « l’Afrique est un continent d’avenir » et que le Sénégal était un exemple de pays sur la voie d’un pays en développement. Au cours de son mandat, François Hollande a voyagé 20 fois sur le continent africain ce qui prouvait ses liens étroits avec le continent voisin de l’Europe. Même si l’indépendance africaine est en permanence évoquée, la présence française dans les pays ouest africains reste visible dans plusieurs secteurs.

La société sénégalaise qui suit habituelle-ment chaque changement politique en France, est intéressée par l’attitude du président élu envers l’Afrique et surtout envers le Sénégal. Quels sont les axes principaux sur lesquelles Emmanuel Macron basera sa politique africaine ? Va-t-il rencontrer les états africains sur un pied d’égalité ou sa vision de la politique africaine sera-t-elle différente de l’africaine ?

Le Sénégal : un partenaire privilégié de la France

Le Sénégal et la France sont historiquement liés. Après son Indépendance en 1960, le Sénégal comme ancienne colonie française reste étroitement lié à la France sur le plan politique, économique et culturel. La France est le premier partenaire commercial européen du Sénégal et le troisième au niveau mondial derrière le Mali et l’Inde. Plus de 250 entreprises françaises sont présentes au Sénégal et paient plus d’un quart des salaires dans le secteur privé. La France est le bailleur de fonds le plus important du Sénégal. Elle investit annuellement plus de 131 millions d’euros, mais montre aussi une présence considérable sur le plan militaire et culturel dans ce pays. De surcroît, les conseils des ministres de la France et du Sénégal se réunissent chaque année pour une séance bilatérale.

Le premier député africain à l’Assemblée nationale était sénégalais

Autrefois, tous les présidents français faisaient leur première tournée africaine au Sénégal. En 1914, Blaise Diagne fut le premier africain présent à l’assemblée nationale, que le Sénégal envoya. A partir de 1848, seuls les citoyens de quatre villes au Sénégal (Dakar, Gorée, Saint-Louis, Rufisque) avaient reçu le droit de vote français. Blaise Daigne est jusqu’à présent considéré comme un des hommes politiques le plus important du pays et le nouvel aéroport au Sénégal qui ouvrira bientôt ses portes portera son nom.

Qu’est-ce que c’est « Françafrique » ?

L’intérêt français pour ses anciennes colo-nies et l’engagement de la France dans ces pays de la Francophonie est perçu de manière critique. De nombreux intellectuels parlent d’une relation « néo-colonialiste » et se plaignent de l’ingérence française dans les affaires internes sénégalaises. Depuis les années 60 la France se consacre fortement à ses anciennes colonies du continent africain, dans les pays comme Guinée-Equatoriale, Benin, Burkina Faso, Burundi, Djibouti, Togo, Tchad, Gabon, Afrique centrale, Côte d’ivoire, Cameroun, Kongo, Mali et Sénégal. Le terme « Françafrique » décrit non seulement les liens économiques et politiques de la France avec ses anciennes colonies mais aussi, son engagement qui est souvent lié à la participation aux fraudes électorales, à la tentative de putsch en faveur des régimes proches de la France ou même la participation aux missions clandestines contre des gouver-nements africains mal vus, selon l’association allemande « Bundeszentrale für politische Bildung »

Entre-temps, un climat de méfiance venant d’une grande partie de la population (intellectuelle) africaine s’est installé envers la France. On se demande si la France poursuit réellement que des objectifs de développement sur le continent africain. Le concept de la « Fran-çafrique » établi par Président Charles de Gaulle en 1962 durera longtemps avant d’être démystifié. Le renforcement de la présence chinoise dans le continent africain est accepté actuellement avec mépris et on parle déjà de la « Chine-Afrique ». Il reste donc à voir sur quels domaines Emmanuel Macron mettra l’accent et s’il est capable de supprimer le concept de la « Françafrique ».

La parité fixe entre le franc CFA et l’euro (à l’époque le franc CFA était lié au franc français) et la domination des entreprises françaises suscitent de nombreux débats chez les sénégalais. Certains Sénégalais qui s’opposent maintenant au français comme langue officielle en faveur des langues nationales comme par.exemple. le wolof. En tout cas, les intellectuels qualifient désormais l’héritage français et l’influence française par le terme « Françafrique ». La politique africaine de la France est perçue comme une balance, les fonds français sont très bien accueillis parfois même réclamés avec exigence en raison de leur passé commun.

La réaction des sénégalais par rapport aux présidentielles

Tous les médias sénégalais ont exprimé unaniment le résultat des élections présidentielles par un soulagement. Dans tous les quotidiens du pays un portrait détaillé d’Emmanuel Macron a été publié en soulignant surtout son jeune âge. La victoire d’Emmanuel Macron qui devient à seulement 39 ans le 8ème Président de la Vème République française est considérée comme une chance pour les relations franco-sénégalaises car il est le symbole d’une nouvelle génération dans la politique française. L’élection d’Emmanuel Macron est un signe de renouvellement pour la classe politique mais aussi un signe d’espoir.

La société sénégalaise soulagée du résultat des élections

Les journalistes sénégalais sont satisfaits que le « Frexit », le projet du FN de faire sortir la France de la zone euro, ne sera pas réalisé. Ils saluent le fait que l’électorat français soutienne la politique ouverte et qu’il soit favorable à l’Union européenne. Toutefois, « Le Soleil », un journal proche de gouvernement, se pose la question à savoir si le jeune Président va être capable de s’imposer et de garder la stabilité. Emmanuel Macron doit prouver lors des élections législatives en juin qu’il peut unir une majorité pour imposer ses projets. En même temps, la presse sénégalaise constate que le parti politique de l’extrême droite le « Front National » (FN), avec Marine Le Pen en tête, s’est établie avec un pourcentage de 33,9 dans le paysage politique en France.

Ce qui les Sénégalais attendent d’Emmanuel Macron

Après la victoire d’Emmanuel Macron Il est frappant de constater que la presse sénégalaise reste mesurée en ce qui concerne les attentes des sénégalais envers la France. Elle a juste évoqué la promesse d’Emmanuel Macron de faciliter l’obtention des visas pour l’espace Schengen pour des chercheurs et des entrepreneurs. De plus, les commentateurs sénégalais attendent qu’il se développe une nouvelle dynamique franco-sénégalaise grâce à Emmanuel Marco pour abandonner entièrement le concept « Françafrique ». Le chroniqueur Ibrahim Mbodj souligne dans le journal « Le Soleil » que le continent africain « a atteint, aujourd’hui, la « maturité », et veut des relations gagnant-gagnant entre partenaires basées sur le respect mutuel, très loin des relations troubles de la Françafrique qui, jusqu’à présent, refuse de mourir. »

Macron comme Sall : la comparaison des deux présidents

Le journal « Le quotidien » compare Emmanuel Marcon au président sénégalais Macky Sall élu en 2012. Les deux ont reçu le même pourcentage (65,8 pourcent) des scrutins de vote au seconde tour des élections présidentielles. En outre, les deux hommes politiques se sont présentés la première fois auprès du corps électoral et ont gagné avec leurs mouvements ré-cemment fondés. Emmanuel Macron avec son mouvement En marche ! et Macky Sall avec une coalition des partis politiques divers « Benno Bokk Yakaar ». Les deux structures étaient relativement jeunes et se ressemblaient aussi par rapport au contenu. En outre, les deux se sont déjà rencontrés plusieurs fois durant le mandat d’Emmanuel Macron comme ministre de l’Economie de 2014 à 2016.C’était, selon Mamadou T. Diatta du journal « Le quotidien », une base suffisante pour un développement positif des relations bilatérales entre deux pays.

« En marche ! » : un modèle pour des mouvements africains ?

Le journal musulman « Walf Quotidien » ne place pas beaucoup d’espoir en Emmanuel Macron, mais il se montre content que la France se soit décidée contre une orientation « raciste ». Le mouvement avec le nom « En marche ! » du nouveau président élu pourrait servir d’exemple aux états africains selon Baba Mballo s’exprimant dans une chronique au « Walf Quotidien ». L’Afrique a besoin des nouveaux hommes politiques qui ont une vision et qui peuvent montrer des perspectives surtout aux jeunes. Il y a des mouvements similaires à En marche ! en Afrique comme par exemple « Y en a marre » au Sénégal, « Filimbi » en République démocratique du Congo ou « Le BalalCitoyen » au Burkina Faso. Ces mouvements des jeunes africains sont freinés par un népotisme omniprésent et ils n’ont pas autant de succès comme le mouvement de Macron. Les dirigeants africains considèrent ces mouvements de jeunes africains comme une menace directe pour leurs gouvernements et entravent massivement leur montée. La situation en Afrique n’est pas la même qu’en France et c’est pourquoi il est peu probable actuellement qu’il y ait une montée d’une personnalité exceptionnelle dans le contexte africain.

Quelle sera la politique africaine d’Emmanuel Macron ?

La politique africaine d’Emmanuel Macron n’est pas connue jusqu’à présent. La ligne politique du nouveau président laisse cependant espérer à beaucoup d’africains une ouverture politique envers les états africains. Macron, lui-même, souligne ses expériences africaines qu’il a pu acquérir lors d’un stage au Nigeria. Dans sa campagne électorale, il répétait aussi le rôle important de l’Afrique subsaharienne dans la lutte contre le terrorisme international. Macron voulait d’ailleurs renforcer l’Union africaine (UA), le G5 Sahel (la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger, le Tchad). L’objectif d’octroyer 0,7 % du PIB au fonds d’aide au développement n’était pas mis en question par Emmanuel Macron lors de sa campagne électoral.

Evaluation et vue d’ensemble

La population sénégalaise a exprimé un soulagement lors des résultats présidentiels en France. La France n’a pas voté en faveur de Marine Le Pen et du « Front National » ce qui était interprété par le public sénégalais comme une décision prise pour une France ouverte ayant la volonté d’intégrer des migrants venant de l’Afrique. Ce qui réjouit les sénégalais c’est aussi le fait que Sibeth Ndiaye, une Française d’origine sénégalaise, était chef de presse lors de la campagne électoral d’En marche ! d’Emmanuel Macron. Il existe aussi l’espoir qu’elle exercera une influence pro-africaine et pro-sénégalaise sur le nouveau président.

La victoire d’Emmanuel Macron représente un signe d’espoir et un changement de génération dans la politique française sur lequel le continent africain pourrait profiter. Il est attendu du nouveau président qu’il négocie sur un pied d’égalité avec les pays africains et qu’il réduise l’ingérence ressentie de la France dans les affaires africaines : bref, d’abandonner le principe peu apprécié de la « Françafrique ».

Le chef de l’état sénégalais a félicité le même jour le 7 mai son homologue français et s’est a manifesté sa satisfaction à continuer une collaboration multidimensionnelle basée sur la con-fiance. Il reste à voir quelles priorités le président pro-européen va imposer à sa politique africaine. Le premier signe de sa politique africain sera visible s’il reste fidèle à la tradition de ses prédécesseurs français et voyagera au Sénégal, pays de le « Téranga », pays de l’hospitalité.

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