Cet article est le fruit d'une réflexion personnelle de l'auteur qui ne reflète pas nécessairement les opinions de la Konrad-Adenauer-Stiftung.
Exemple pratique et quotidien de ce qu’on appelle le franco-allemand, la coopération transfrontalière et régionale n’est pas qu’une simple coopération diplomatique, politique ou économique. Elle englobe une multitude de domaines, allant de l'économie à la culture, de l'éducation à l'environnement, de la mobilité des personnes à la recherche scientifique. Cette collaboration étroite permet d'établir des ponts – et cela de manière littérale - entre les sociétés, de renforcer et dynamiser les échanges du quotidien entre les régions frontalières et de créer un espace de coopération dynamique et fructueux.
La coopération transfrontalière est l’exemple le plus parlant de la libre circulation dans l’espace européen, faisant des régions frontalières des territoires qui ne connaissent pas de frontières. Cette frontière, qui s’étend sur 400 kilomètres, présente un enjeu de taille puisqu’on estime que qu'environ 100 000 à 120 000 personnes travaillent de part et d'autre de la frontière franco-allemande et la traversent donc chaque jour ou presque.
Etre frontalier, c’est aussi une manière - et même un art - de vivre, qui ignore la frontière entre nos deux pays, un territoire dans lequel un tram part de France et arrive en Allemagne, où l’on a l’habitude de faire des achats de part et d'autre de la frontière, où l’on peut avoir recours aux services médicaux de l'autre pays et où enfin, les habitants des deux côtés de la frontière sont plongés dans un mode de vie mixte de traditions, gastronomie, liens sociaux de part et d’autre de la frontière.
Stoppée brutalement dans son élan au moment de la pandémie deCOVID avec une fermeture des frontières qui a fait des remous jusqu’aux plus hautes instances de nos deux pays, la coopération transfrontalière est aujourd’hui à la croisée des enjeux de libre circulation et fait figure de terrain d’expérimentations pour des territoires entièrement intégrés dans l’Union.
À travers cet article, nous explorerons les différentes facettes de la coopération transfrontalière entre la France et l'Allemagne, mettant en lumière les avantages qu'elle procure aux deux pays ainsi que les défis auxquels elle fait face. Nous nous pencherons sur des exemples concrets de projets et d'initiatives conjointes qui ont contribué à renforcer les liens entre les deux nations, et nous analyserons les perspectives pour cette coopération transfrontalière.
Le transfrontalier franco-allemand, une idée qui ne parle qu’aux habitants de ces territoires ?
Il serait tentant de penser que l’idée de la coopération transfrontalière se circonscrit à ces seuls territoires. On a vite fait de penser que tout cela ne nous concerne pas et que le tramway qui relie Strasbourg à Kehl est sûrement un bel exemple de fluidité mais qu’il n’arrivera de toute manière jamais à Paris, Lille, Rennes, Bordeaux. Oui, mais ce tramway est un exemple concret qui dépasse la construction d’un récit franco-allemand parfois si contesté par l’opinion.
De manière indirecte, la coopération transfrontalière tisse des liens supplémentaires en termes de relations bilatérales, d'intégration européenne, de mobilité, permettant la diffusion d'exemples inspirants. C’est un fait, la coopération transfrontalière entre la France et l'Allemagne contribue à renforcer les relations entre les deux pays. Elle favorise les échanges culturels, économiques et sociaux, et aide à développer une compréhension mutuelle plus approfondie. Elle s'inscrit dans le cadre plus large de l'intégration européenne et démontre la capacité des pays à surmonter les frontières et à travailler ensemble pour promouvoir la libre circulation des personnes, des biens et des idées. Ce faisant, elle renforce l'idée et le symbole d'une Europe unie et cohérente.
Si elle s’attèle à répondre à des besoins concrets du quotidien, la coopération transfrontalière ouvre un horizon sur des problématiques nécessitant une approche transfrontalière, telles que la protection de l'environnement, la gestion des ressources naturelles, la sécurité, la santé publique. Il s’agit de faciliter la résolution de ces problèmes en mettant en place des mécanismes de coordination et d'échange d'informations.
Quels mécanismes institutionnels pour la coopération régionale et transfrontalière ?
Fruit en premier lieu d’une volonté politique, la coopération transfrontalière repose sur des structures de gouvernance spécifiques, telles que des instances transfrontalières, des agences de développement régional ou des entités intermédiaires, qui ont pour objectif de promouvoir la coopération et de faciliter les échanges entre les deux pays.
Le Traité d'Aix-la-Chapelle, signé en 2019, donne une impulsion dans sa globalité à la coopération transfrontalière, en créant notamment le comité de coopération transfrontalière (CCT), créé pour piloter la coopération frontalière depuis le terrain. Le comité rassemble des représentants locaux de la région Grand-Est, de l’Alsace, de la Moselle, de la Sarre, du Bade-Wurtemberg et de Rhénanie-Palatinat. Il se veut « à l’écoute des habitants et des réalités des territoires », pour analyser l’incidence de la nouvelle législation et définir les « projets de développement frontalier prioritaires »
C’est en réalité l’enjeu central de la mise en place d’une coopération transfrontalière : coordonner les mécanismes en place, résoudre d’éventuels carambolages de législation, tout en ne pouvant supplanter les instances nationales. La marge de l’action transfrontalière nécessite une calibrage exigeant.
De manière très concrète, elle repose par exemple sur les Eurodistricts, ces structures transfrontalières qui regroupent des collectivités territoriales françaises et allemandes situées le long de la frontière. Ils favorisent la coopération dans des domaines tels que l'économie, l'aménagement du territoire, les transports, la culture et l'éducation. Ces Eurodistricts sont souvent soutenus par des accords et des programmes de financement spécifiques.
Ce sont aussi sur des comités de pilotage ou des commissions mixtes que cette coopération repose. Établis pour coordonner la coopération transfrontalière dans des domaines spécifiques, tels que l'environnement, l'économie, les transports ou la santé, ces comités réunissent des représentants des gouvernements, des autorités locales, des acteurs économiques et d'autres parties prenantes des deux côtés de la frontière pour définir des objectifs communs et mettre en œuvre des projets concrets.
Des groupes de travail et des réseaux thématiques sont également créés pour aborder des questions spécifiques de coopération, par exemple dans les domaines de l'éducation, de la recherche, de la culture ou du développement durable. Ces groupes de travail rassemblent des experts et des représentants d'institutions et d'organisations concernées des deux pays pour échanger des bonnes pratiques, développer des projets communs et favoriser les collaborations à long terme.
Les perspectives de la coopération transfrontalière
Et maintenant ? Si la fermeture décidée du côté allemand de la frontière a surpris, elle n’a pas mis un coup d’arrêt durable à la coopération transfrontalière qui va dans le sens logique d’une plus grande intégration européenne, d’une attractivité du territoire élargie à un bassin de vie. En ce sens, la nouvelle Collectivité européenne d’Alsace née en 2021 a publié en fin d’année derniére ses ambitions pour un «Schéma alsacien de coopération transfrontalière », dont elle veut qu’il soit un « outil partenarial dédié à l’amélioration du quotidien des Alsaciens et de tous les habitants du Rhin supérieur ». Il vise à renforcer un sentiment d’appartenance à la région rhénane, sans considération de frontière nationale.
La coopération transfrontalière reposerait donc sur une identité commune ? Des voix s’élèvent pour dire que la coopération transfrontalière peut innover au-delà de ce bassin de vie. Innover pour un Paris-Berlin direct ? Innover pour plus de véritable coopération communale ? Innover pour plus de mécanismes d’échanges ? Innover pour plus de concret ? Innover pour sortir du symbolique, voilà peut etre la clé de la coopération transfrontalière.