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ETUDE SUR L'EXTREMISME VIOLENT

von Yacouba Berthé

Extrémistes violents dans le cercle de Niono, région de Ségou : Une contribution à l’étude des solutions et la résilience des populations.

Cette étude est réalisée par l'Observatoire sur la Prévention et la Gestion des Crises et Conflits au Sahel. Le résumé que l'on vous propose est fait par Yacouba Berthé, Coordonnateur du Programme Régional Sahel. En apportant son appui à l’initiative d’une enquête sur la destruction des champs de riz par les groupes extrémistes violents dans le cercle de Niono, région de Ségou. La KAS espère ainsi pouvoir contribuer à l’éclairage de la communauté nationale et internationale sur l’impact des violences subies par les populations des localités touchées.

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Extrémistes violents dans le cercle de Niono, région de Ségou :

Une contribution à l’étude des solutions et la résilience des populations.

 

RESUME

Cette étude concerne principalement l’Office du Niger[1] dans le cercle de Niono, dans la région de Segou. La zone de Niono est sous influence des groupes armés depuis 2014. Les champs des paysans de l’Office du Niger dans la zone de Niono, réputée grenier de riz du Mali ont été, régulièrement, ciblés par les groupes radicaux violents courant les derniers mois qui ont précédé l’étude. De nombreuses communes situées dans le cercle de Niono ont été, largement, touchées par le phénomène.

 

A Dogofry, notamment, dans les localités de KO 1, 2 et 3 de nombreux champs ont été incendiés par les groupes radicaux violents. D’autres communes dans le cercle de Niono ont été, également, en proie aux groupes radicaux violents. Il s’agit des localités telles que Tiemaba et Kouye Bamanan situées à une dizaine de kilomètre de la commune urbaine de Niono ; Toridagako ou encore à Chirfily Boundy situés dans la commune de Ndebougou à 15Km de la commune urbaine de Niono.

 

Selon des informations collectées dans le cadre de la présente étude, les assaillants commettent les attaques, généralement, pendant la nuit. Une occasion, non seulement, de déjouer la vigilance des forces de défense et de sécurité, les groupes d’autodéfense organisées par les chasseurs mais aussi de surprendre la population, notamment, les propriétaires des champs de riz. Selon des sources locales rapportées par nos observateurs, de milliers d’hectares de champs de riz auraient été incendiés dans la commune de Dogofry pendant la nuit.

 

La destruction des champs de riz par les groupes extrémistes violents ont été à l’origine de deux initiatives majeures. Une première initiative politique qui a entrainé une intervention militaire visant à appuyer les initiatives locales de sécurisation des champs à travers un détachement de l’opération Maliko[2]. Une deuxième conséquence plutôt citoyenne ayant conduit à une manifestation contre le paiement de la redevance eau. Une somme d’argent que les paysans de l’Office du Niger paient aux autorités publiques chaque année pour avoir utilisé l’eau pour les activités champêtres.

 

Une des conséquences les plus graves se résume à la flambée des denrées alimentaires. Selon nos enquêtes, le kilo du riz gambaiaka coute 600 FCFA dans certains marchés à Bamako alors qu’on pouvait l’avoir auparavant à 500 FCFA ou moins. Dans les zones de l’Office il s’élève à plus de 450 FCFA alors qu’il coutait auparavant à 350 FCFA.

 

Les actions destructrices des groupes radicaux dans ces localités ont fait l’objet de multiples formes de traitement d’informations. De nombreuses sources d’informations ont relayé toute sortes d’informations sur le sujet parfois avec des sources non crédibles compte tenu de l’absence dans ces zones de tension des moyens d’informations crédibles, des journalistes formés ou professionnels. Ce manquement a créé parfois un flou sur l’exactitude des faits entre les discours tenus et la réalité des faits. C’est après analyse de toutes ces limites face à une situation pourtant cruciale que l’Observatoire sur la Prévention et la Gestion des Crises et Conflits au Sahel avec un appui financier de la Fondation Konrad Adenauer a décidé de s’intéresser au sujet pour une meilleure compréhension de ce qui s’est, réellement, passé et l’impact de cette action sur la sécurité alimentaire du pays.

 

INTRODUCTION

Depuis plus d’une décennie, le Mali connait une crise multidimensionnelle sans précédent. L’éclatement de la crise du Nord en 2012 a engendré un cycle d’insécurité qui a fini par embraser le centre du pays. Cette crise a entraîné une résurgence des conflits communautaires latents entre les populations qui, pourtant, ont longtemps vécu en symbiose. Depuis six ans, le centre du pays est en proie à des violences récurrentes se manifestant par des attaques de villages ou campements, des blocus sur certains villages et des atteintes aux droits humains. Les auteurs de ces forfaitures, milices d’autodéfense des chasseurs Dozos, groupes armés non identifiés ou djihadistes de la Katiba Macina, sont devenus les vrais maîtres sur le terrain, suite au retrait des forces de sécurité de l’État. Ne pouvant compter ni sur la protection de l’État ni sur les mécanismes traditionnels de prévention et de gestion des conflits, les populations désemparées cherchent leur salut dans les compromis, voire dans les compromissions. Dans le souci d’aider les autorités pour un retour de la paix et du vivre ensemble d’antan, plusieurs organisations, locales et internationales, ont apporté leur soutien en matière de médiation et d’intermédiation.

Dans un contexte de gouvernance complexe, où autorités traditionnelles et modernes se côtoient même si leur pouvoir décroît, le Mali connait depuis de nombreuses années une situation sécuritaire alarmante, notamment dans le centre du pays. La montée des tensions entre communautés agricoles et pastorales est aggravée par la présence de groupes extrémistes. La population du Cercle de Niono, dans la région de Ségou, a été victime de violences inouïes pendant plusieurs mois avant que des accords de cessez-le-feu soient conclus en mars 2021 entre groupes djihadistes et milices d’autodéfense.

Les médiations et les intermédiations effectuées sous l’égide des leaders communautaires n’ont porté que sur les manifestations des conflits et non sur leurs causes. Les populations manquent d’un peu de tout en services sociaux de base. Ce qui est du ressort de l’Etat central. Au-delà l’Etat n’a pas su développé d’autres activités génératrices de revenus en dehors de l’agriculture.

Après de violences graves et de nombreux embargos imposés par les groupes armés djihadistes, les populations cherchent leur salut dans la médiation. Dans cette dynamique les populations locales ont trouvé des moyens de coexistence pacifique à travers les accords locaux. Depuis l’année 2016, lesdits groupes ont réussi à négocier des accords de paix locaux après avoir exercé la terreur sur les populations locales. Après la création de nombreuses milices dans la région, à l’exemple de Dan Na Ambassagou[3], face à la violence les populations se sont tournées vers les solutions négociées. Les accords conclus portent notamment sur la régulation des relations entre, d’une part, les djihadistes et, d’autre part, les groupes d’auto-défense et les chasseurs traditionnels dozos mobilisés pour assurer la protection de leurs communautés. Dans le cercle de Niono, afin de trouver une solution au siège subi par le village de Farabougou encerclé par des combattants djihadistes de la zone du Kourmari, des pourparlers avec les assaillants ont été engagés par des représentants du Haut Conseil islamique (HCI) venus de Bamako et des communautés villageoises de la zone.

Cependant, ces accords locaux se sont révélés fragiles et difficiles à maintenir à long terme. Lorsque les accords et les cessez-le-feu ont été rompus, des cycles de violence, encore plus meurtriers, ont suivi. De plus, non seulement la violence s'est intensifiée, mais elle s'est également propagée dans les Cercles et les zones avoisinants.

 

BREVE PRESENTATION DU CERCLE DE NIONO

Le Cercle de Niono est situé au cœur de l’Office du Niger. Ces terres sont en grande partie cernées par la zone irriguée de l’Office du Niger. Depuis l’indépendance du Mali (1960), l’Office du Niger dispose de l’ensemble des pouvoirs fonciers. Le Cercle de Niono est une vieille terre de rencontre et de brassage de communautés aux activités, certes antagoniques, mais complémentaires. Ainsi, des éleveurs, des agriculteurs et des pêcheurs y cohabitent suivant des conventions de gestion des espaces et des ressources. Les sociétés d’antan disposaient de ressorts pour gérer les conflits liés à l’exploitation de l’espace et des ressources entre les acteurs qui sont en principe agriculteurs et éleveurs.

Le Cercle de Niono, est situé au centre et frontalier des cercles de Macina et de Ténénkou. Les djihadistes y étaient déjà présents depuis 2015. Seulement, le territoire du Cercle n’avait pas été le théâtre de la guerre avant 2020, se contentant d’accueillir de nombreux déplacés des deux cercles voisins. Mais, depuis le début de l’année 2021, le Cercle de Niono fait partie des zones les plus touchées, avec plus de 228 cas de violations, y compris les atteintes à l’intégrité physique/psychique et au droit de la propriété, et surtout une augmentation exponentielle des attaques violentes[4].

CONTEXTE SOCIO-ÉCONOMIQUE DANS LE CERCLE DE NIONO

Le Cercle de Niono est une parfaite illustration de la vocation agro-pastorale du Mali. Avec ses pâturages, ses canaux irrigués, ses vastes étendues de mares artificielles et les détritus des récoltes, la zone de Niono offre d’immenses potentialités en matière d’élevage, une activité complémentaire à l’agriculture. Créé en dans les années 1930, l’Office du Niger a une superficie aménageable estimée à environ 890.000 hectares. Au départ, dans la zone aménagée, l’Etat colonial y avait installé des petits paysans qui exploitaient les terres suivant un cahier des charges très strict. Cette paysannerie était largement constituée de ressortissants de contrées lointaines, pour contourner le refus des populations locales, foncièrement opposées à l’accaparement de leurs terres, à la délocalisation de leurs villages séculaires, à l’abandon de leurs cultures vivrières préférées - en l’occurrence le petit mil.

Ce cercle, qui compte 12 communes et avec plus de 100 000 hectares irrigués, est appelé “Grenier à riz du Mali”. En s’attaquant à ce grenier à riz, la stratégie des groupes terroristes était d’installer la famine dans cette zone et dans tout le Mali.

LES ACTEURS DE L’EXTREMISME VIOLENT DANS LE CERCLE DE NIONO 

Les acteurs de l’insécurité dans la zone de Niono sont des groupes armés issus des deux principales communautés. Il s’agit des djihadistes de la Katiba Macina, qui fait partie de Jamaat Nusrat alIslam wal-Muslimeen (JNIM), affiliée à Al-Qaeda, qui sont souvent assimilés aux éleveurs Peuls, et des milices d’autodéfense des chasseurs Dozos, associés aux communautés sédentaires, dont les Bambaras. Le cas du blocus de Farabougou est le plus illustratif de la situation sécuritaire de la zone, où une série d’incidents ont engendré cet embargo. Un rapport du programme Cluster Protection Mali décrit le déroulement des événements :

Cependant, et d’après des sources concordantes, la Katiba Macina ne collecte pas la zakat par tête mais par troupeau et d’ailleurs par nombre de têtes que possède un éleveur. Il faut avoir le nombre requis (à partir de 30 têtes) pour que les djihadistes prélèvent annuellement un taurillon de deux ans. Beaucoup de témoignages, notamment ceux qui circulaient sur les réseaux sociaux (WhatsApp principalement), mettaient en cause le chef des chasseurs Dozos de Farabougou qui avait rançonné des familles peules pendant que leur jugement devait être confié aux djihadistes. Il avait cru qu’il était devenu très puissant parce qu’ils l’avaient laissé faire des mois durant et il avait fait tuer deux éléments peuls pour refus de s’exécuter et dont les familles furent obligées de s’expatrier ou se réfugier en Mauritanie. La dégradation de la situation sécuritaire, à la suite des amendes incessantes et des tueries entre communautés pastorales et agricoles, va précipiter les populations du Cercle dans un conflit aux conséquences multiples. Les extrémistes islamistes estiment que la justice n’est pas dite dans le règlement des conflits et qu’elle est toujours rendue au détriment des communautés peules. Très vite, leur discours prend dans les milieux des jeunes, malgré les mises en garde des sages qui mesurent les conséquences d’une telle option. De quelques individus qui constituaient ce démembrement de la Katiba Macina, le groupe s’est vite élargi. Il dépasse le seul cadre du communautarisme pour s’élargir à une couche hétéroclite d’opprimés, d’expropriés de terres…Les nouvelles qui parviennent aux populations sont exaltantes et prometteuses. L’immixtion des groupes islamistes radicaux dans le règlement des affaires qui relèvent de la compétence des pouvoirs publics va inquiéter les communautés traditionnelles. Celles-ci ont leurs propres mécanismes de gestion des affaires des populations. Ces mécanismes traditionnels de règlement de conflits par la médiation sont oubliés et le charisme des chefs est entré en compétition avec les intrigues des responsables politiques aux projets douteux. Cette perception de collaboration avec les leaders politiques a contribué à la détérioration de l’influence et du charisme des chefs traditionnels au sein de leur communauté.

Mais plusieurs de ces milices, qui se réclament des forces d’autodéfense communautaires, sont devenues pour les populations tout aussi une menace que les « groupes djihadistes ». En effet, elles terrorisent les populations qu’elles prétendent défendre, en leur imposant une contribution forcée à l’effort de guerre. Dans chaque village où ces groupes d’autodéfense sont présents, il est une obligation pour chaque chef de famille de contribuer financièrement et de dédier un membre de sa famille pour l’enrôlement comme combattant. C’est une charge de trop pour une population qui vit dans la psychose d’une présence djihadiste qui a imposé un embargo total à Farabougou et ses environs. Ces mouvements Dozos sont accusés par la communauté peule de faire du ciblage ethnique, et dans les milieux peuls les Dozos sont déclarés persona non grata. Attaques et ripostes, souvent très disproportionnées, se succèdent entre les éléments des groupes d’autodéfense et les groupes radicaux[5].

DESTRUCTIONS DE CHAMPS DE RIZ DANS LE CERCLE DE NIONO

Tout comme dans plusieurs autres localités du pays les premières informations concernant les activités des groupes terroristes sont rapportés à travers les réseaux sociaux, les médias locaux et plus tard par la presse écrite. Ainsi, on pouvait lire à la une de Studio Tamani ce 09 novembre 2021 :

« Risque d’insécurité alimentaire » à Dogofry : des hectares de champs brûlés par les terroristes

La commune rurale de Dogofry dans le cercle de Niono région de Ségou est toujours en proie aux groupes terroristes. Au moins 24 hectares de champs de riz ont été réduits en cendres samedi dernier par des hommes armés ont indiqué des autorités communales. Elles appellent les autorités à sauver les populations face au risque d’insécurité alimentaire, dans la région.

 

 

Des hommes armés ont incendié 24,5 hectares de champs de riz, ce samedi 6 novemebre dans le village de Bamako-coura. C’est dans la commune de Dogofry cercle de Niono. “Suite à cette situation, nous avons sommé les paysans de ne plus rassembler les épis aux mêmes endroits sinon ils reviendront mettre le feu” a déclaré un élu local sous couvert d’anonymat. D’où la nécessité selon lui de faire appel, rapidement aux ouvriers pour sécuriser les semences juste après récoltes.

La même source précise que les assaillants commettent généralement cet acte la nuit, au moment où, les forces de l’ordre et les dozos se reposent. Car dit-elle, les militaires aident à sécuriser les champs.

Ce lundi, encore, des assaillants ont attaqué des cultivateurs en partance pour leurs champs. Des paysans ont été dépossédés de leurs motoculteurs ajoute-t-elle.

Cette année, plus de 4 000 hectares de champs n’ont pas été cultivés dans la commune rurale de Dogofry, a fait savoir une autorité locale. Cette dernière craint une “insécurité alimentaire dans la zone durant les mois à venir”. Un SOS est lancé aux autorités nationales à intervenir pour sauver les populations locales de la commune de Dogofry.[6]

Une enquête réalisée par Cheick Yannick SOME (Burkina Faso) et Mohamed DAGNOKO (Mali), avec l’appui de la Cellule Norbert Zongo pour le journalisme d’investigation en Afrique de l’Ouest (CENOZO) publiée par le journal la « Preuve » dans sa parution du 02 février 2023 reprise par maliweb.net[7] nous renseigne :

Entre le 07 et le 10 janvier 2021, sur les réseaux sociaux, notamment Facebook, des vidéos de champs de riz en feu sont largement partagées. Il s’agit des rizières de KO1, KO2 et KO3 à Dogofry, dans la commune de Niono. Les auteurs ne sont autres que les groupes terroristes notamment la Katiba Macina de Amadou Kouffa qui ont envahi cette partie du pays depuis 2015.

Dans l’une des vidéos, le dénommé Hamed Biba, à visage découvert, témoigne de l’ampleur des dégâts dans son champ. Visible derrière lui, un vaste étendu réduit en cendres par la fureur des flammes. Sur place, les décortiqueuses, les motos n’ont pas été épargnées.

Deux mois plus tard, en mars 2021, les mêmes scènes ont été observées sur la toile. Les dégâts seraient « inestimables » selon les populations de Dogofry. Le 10 novembre, de la même année, c’était au tour des paysans de Bamakocoura, dans la même localité de voir partir en fumée plusieurs tonnes de riz récoltés. Par peur de représailles, le maire de la commune de Dogofry, Modibo Kimbiry, s’abstient de tout commentaire par rapport à ces incidents.

Commune de Dogofry : Des champs brulés par des hommes armés

Par le journal bi-hebdomadaire  22 Septembre -14 Jan 2021

 

La situation sécuritaire dans le cercle de Niono en 4ème région se dégrade davantage de jour en jour. Malgré la présence des Forces armées maliennes (FAMa), la situation sécuritaire reste intacte à Farabougou, à Dogofry et dans beaucoup d’autres communes dans les zones de production de N’débougou, Kroumari. Pire, cette situation d’insécurité se déplace maintenant dans les 2 communes notamment (Marico et Kalassiguida) dans la zone de production de Molodo.

Aujourd’hui, les paysans de ces localités ne dorment plus à leur souhait à cause des multiples attaques.

Dans la commune de Dogofry, le mercredi 6 janvier dernier, des hommes armés ont nuitamment mis le feu à plusieurs champs dont la vidéo filmée par des habitats a fait le tour des réseaux sociaux. Pour avoir la bonne information de cet état de fait, nous a avons contacté par téléphone, un habitat bien introduit de la localité qui a voulu garder anonymat. il a levé toute équivoque tout en précisant que 3 à 4 champs voire plus ont été brulé par des hommes armés, sans foi, ni loi. « On fait quoi, nous n’avons pas de choix. Tu n’as pas entendu que des machines ont été brûlées ici par les mêmes hommes, des travailleurs ainsi que des paysans ont été tués », a-t-il témoigné, et d’ajouter, « notre seul espoir maintenant, après la mauvaise récolte de la campagne agricole est le maraichage, notamment la culture de l’oignon qui pourra nous aider à payer nos redevance eau, mais, malheureusement, ils nous empêchent de nous déplacer à l’extérieur du village ou même de mener nos activités maraîchage. Ils nous empêchent d’aller au champ ». Nos champs sont là, mais, on ne peut pas les cultiver, nos femmes ont été tuées dans leurs activités de maraîchage, pendant qu’elles ont investi de l’argent à hauteur de 200 000 à 500 000 FCFA dans l’achat des semences. Ce sont des difficultés que nous vivons quotidiennement. Nous partageons ces difficultés avec les autorités du pays pour qu’elle puissent trouver des solutions idoines, a-t-il sollicité.

« Malgré la présence de l’Armée, les djihadistes sont toujours là. Ils nous empêchent de sortir du village ou de faire quoi que ce soit. Ils tentent de nous faire plier à leurs exigences », dit un autre habitant joint par téléphone. Avant de signaler que le dimanche 10 janvier dernier, deux de nos jeunes ont échappé à une tentative d’enlèvement des hommes armés dans leurs champs alors qu’ils étaient en train de travailler.

Le détachement de l’Armée présent sur place est en train de faire de son mieux pour protéger les populations. Mais, nous demandons à l’État de revoir sa méthode de travail tout en renforçant davantage la sécurité des différentes zones de production en Office du Niger, afin d’éviter le chaos dans la localité, a-t-il déclaré.

Notre interlocuteur, a profité l’occasion pour faire un plaidoyer auprès des autorités du pays, plus particulièrement les responsables de l’Office du Niger, compte tenu de la mauvaise récolte de cette année à cause des inondations des milliers des parcelles, ainsi que de l’insécurité, de faire une faveur aux paysans concernant le paiement de la redevance eau tout en compensant cette redevance au montant restant de la subvention d’engrais de la campagne en cours.

La Rédaction

LES ACCORDS DE PAIX DANS LE CERCLE DE NIONO 

Dans cette région du Mali, la gestion des tensions se fait habituellement avec le soutien des légitimités traditionnelles. C’est en effet sous l’autorité du chef de village, ou sous « l’arbre à palabre », que sont cherchées des solutions amicales aux tensions ou conflits qui opposent les membres d’un village, des villages, ou des communautés de la zone. Ainsi, c’est suite à l’épuisement de toutes les tentatives visant à rapprocher les parties opposées, que recourt est fait à la justice moderne. Toutefois, il faut noter que lorsque les légitimités traditionnelles échouent dans la résolution des conflits, la gestion par les autorités administratives et judiciaires devient incertaine. La mise en cause de la légitimité des acteurs intervenant dans la médiation et la résolution de conflits contribue à ce que des foyers de tension continuent d’émerger dans cette zone, même après un règlement administratif ou judiciaire. Les médiations ou intermédiations fondées sur les interventions des autorités traditionnelles semblent montrer leurs limites. L’immixtion des politiques dans cette gestion leur a fait perdre tout crédit. Cependant, elles restent tout de même une valeur sûre dans le règlement durable des affaires communautaires, loin devant les règlements administratifs ou judiciaires entachés d’irrégularités et de corruption.

C’est dans cette optique que les autorités sont entrées officieusement en pourparlers avec les djihadistes, après un blocus sur le village de Farabougou maintenu pendant plus de cinq mois. Cette initiative du Haut Conseil Islamique du Mali (HCIM), a pu obtenir un accord de cessation des hostilités entre les djihadistes de la Katiba Macina et les chasseurs Dozos, le 14 mars 2021 à Niono. Nombre de dispositions des accords avantagent les djihadistes au détriment de leurs belligérants, voire même de l’État malien. Le cas de Farabougou est une parfaite illustration, où les djihadistes ont formulé des demandes excessives à une population très attachée à sa liberté.

Parmi ces exigences, on peut noter l’application de la charia (zakat, le port du voile par les femmes, etc.), une non-interférence entre les djihadistes et le pouvoir malien et ses partenaires internationaux, et le départ de l’armée malienne du village de Farabougou avant le 15 avril. L’accord engageant uniquement les djihadistes de la Katiba Macina et les chasseurs Dozos. Dans les heures qui suivirent cet accord verbal, les populations locales ont pu ressentir ses effets et reprendre leurs activités interrompues pendant plusieurs mois. La libération de prisonniers Dozos, l’autorisation donnée aux chasseurs de Farabougou et de Dogofry de récupérer les dépouilles des leurs en brousse pour les inhumer et le retour de la libre circulation des populations ont permis de rétablir une paix temporaire.

L’ÉCHEC DES ACCORDS DE NIONO

 Au début du mois de juillet 2021, près de six chasseurs Dozos ont été tués par des djihadistes dans la commune de Dogofry, mettant fin aux accords qui avaient mis un terme aux violences en mars 2021. D’autre part, plusieurs enlèvements de bétail de la part des chasseurs Dozos témoignent de leur rasle-bol face aux exigences des djihadistes, illustrant ainsi la fragilité des accords dès leur conception, et empoisonnant la confiance établie entre les parties belligérantes au détriment des civils. Des chasseurs Dozos avaient été accusés de ne pas respecter les termes de l’accord, en empêchant la libre circulation de pasteurs. Les chasseurs avaient empêché des Peuls de revenir chez eux ou de reprendre leurs champs au motif que chacun des camps doit garder ce qu’il a obtenu de la guerre, dixit l’accord de paix. A leur tour, les djihadistes reviennent à la charge et reprennent à leur compte tous les champs qu’ils avaient empêché de faire moissonner en 2020. Ces événements font suite à une aggravation des désaccords et tensions liés aux accords, trop peu précis pour une interprétation claire. Par ailleurs, l’exclusion de l’État et ses partenaires de ces accords ne permet pas d’envisager une paix durable. En avril [2021] déjà, des frappes antiterroristes dans la région avaient illustré le désengagement du gouvernement malien et ses partenaires vis-à-vis du cessez-le-feu établi un mois et demi plus tôt.

Avec ces frappes, les djihadistes avaient crié à la trahison des chasseurs dont certains des éléments qui avaient pris part à la rencontre de réconciliation du 14 mars 2021 étaient à la tête du convoi de l’armée parti au site même où avait eu lieu la rencontre.

Le cas de Farabougou, comme d’autres accords locaux mis en place — et en raison de l’impraticabilité d’un effort global du fait de la dynamique actuelle — offre aux populations locales un répit au moins temporaire face à la violence. Cependant, ces accords locaux se sont révélés fragiles et difficiles à maintenir à plus long terme.[8]

 

EFFET DE L’EXTREMISME VIOLENT SUR LE BIEN ETRE DES PRODUCTEURS

Extrémisme violent et capacité de production

Les résultats de notre étude montrent que presque tous les producteurs dont les champs ont été brulés par les groupes extrémistes violents ont décidé soit de ne plus produire, ou de diminuer leur emblavure, ou encore de revoir leur niveau d’investissement en termes d’engrais ou de produits phytosanitaires appliquées ou de semences améliorées, ou d’efforts consenties.

Cette décision s’explique par leur démotivation à la suite des dommages que les groupes extrémistes violents ont infligés à leur récolte. Généralement ces producteurs prennent du crédit pour financer la production. Une partie de leur récolte est vendue pour remboursés les crédits contractés et l’autre partie de la récolte est utilisée pour les autres dépenses y compris l’alimentation.   

retrouver l'intégralité de l'étude en téléchargeant la version PDF

 

 

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